Témoignage sur le traitement du trouble de dépersonnalisation / déréalisation

Article de Jean Touati, hypnothérapeute

Compte tenu des règles déontologiques de respect du secret professionnel et de réserve vis-à-vis des patients, les prénoms ainsi que certains éléments biographiques ont été modifiés.

Ismaël, 50 ans, père de quatre enfants, souffre depuis ses 17 ans de déréalisation.

Ismaël, 50 ans, père de quatre enfants, souffre depuis l’âge de 17 ans d’un trouble de déréalisation survenu après le décès de son père. Depuis près de trente-trois ans, cette sensation de dépersonnalisation ne l’a jamais vraiment quitté. Longtemps, il lui a été difficile de mettre des mots précis sur sa détresse, se sentant profondément étrange et étranger à lui-même.
Il évoque le fait de ne pas se reconnaître devant le miroir, d’avoir l’impression de voir ses propres enfants sans ressentir réellement qu’ils sont les siens, et d’assister à sa vie comme à un spectacle dont il serait spectateur plutôt qu’acteur. Cette perte du sentiment de réalité rendait difficile la pleine implication dans ses émotions, ses relations et les petits actes du quotidien. Au fil des années, Ismaël a tenté de nombreux types d’accompagnement psychothérapeutique, y compris une première approche par l’hypnose, sans parvenir jusque-là à un soulagement durable. Son trouble, omniprésent et invalidant, lui semblait inébranlable. Lorsqu’il s’est présenté à ma consultation, il exprimait à la fois espoir et scepticisme quant à la possibilité de renouer avec une expérience plus directe et authentique de lui-même et du monde.
Nous avons engagé un travail d’hypnothérapie sur cinq séances, à raison d’une rencontre hebdomadaire. Au fil du processus, des évolutions subtiles mais significatives sont apparues, ouvrant la voie à une reconnexion progressive et plus apaisée.
Un mois après la fin de notre accompagnement, Ismaël m’a adressé le témoignage suivant, dont la publication a été autorisée (avec anonymisation), dans l’espoir d’apporter un peu de lumière et d’espoir à d’autres personnes traversant un vécu similaire.

Bonjour Jean,
Avec un peu de retard, comme promi voici mon témoignage.

Cela faisait des années que je vivais dans une sorte de brouillard permanent, comme si j’étais coupé de moi-même, flottant à côté de ma propre vie, incapable d’habiter mon corps ou mes émotions. J’en étais arrivé à me demander si j’allais un jour « revenir » à moi, retrouver ce lien si naturel que tout le monde semble avoir avec soi-même. J’étais prisonnier d’un sentiment d’irréalité, comme si j’observais le monde à travers une vitre.

Avant la première séance, j’étais très sceptique. Pourtant, dès la toute première expérience d’hypnose, quelque chose a bougé, imperceptiblement. Ce n’était pas magique, mais j’ai ressenti pour la première fois depuis longtemps un léger apaisement, comme si un fil ténu se retissait doucement. Les jours suivants, mes sensations corporelles étaient un peu plus présentes, mes pensées légèrement moins envahissantes.

Séance après séance, la confiance grandissait et une reconnexion timide commençait à s’installer. J’ai appris à relâcher mon besoin de tout contrôler et à accueillir les sensations, aussi subtiles ou étranges soient-elles. Lors de la cinquième séance, je me suis surpris à percevoir une profonde chaleur, une sorte de présence en moi. Pour la première fois, je me suis ressenti entier, pas seulement une tête flottante, mais un être complet, ici et maintenant.

Les effets de la dépersonnalisation ne se sont pas dissipés du jour au lendemain, mais ils se sont peu à peu estompés. Je retrouve peu à peu des moments simples de connexion, des émotions authentiques, la conscience d’être vivant. C’est un processus encore en cours, mais je sais maintenant qu’il est vraiment possible de revenir à soi.

Merci infiniment pour cette main tendue vers la sortie du brouillard.

Mieux comprendre les troubles de dépersonnalisation/déréalisation

Le trouble de dépersonnalisation/déréalisation est une forme de trouble dissociatif caractérisée par une expérience prolongée ou récurrente de détachement de soi ou de son environnement. La dépersonnalisation correspond à la sensation d’être séparé de son propre corps ou de ses processus mentaux, comme si l’on était spectateur de sa propre vie. La déréalisation, quant à elle, renvoie à une impression d’irréalité ou d’étrangeté vis-à-vis du monde extérieur, comme si l’environnement manquait de consistance ou de familiarité. Ce trouble apparaît fréquemment à la suite d’un stress intense, d’un traumatisme psychologique, ou d’un épuisement émotionnel. Il peut également être associé à une dépression ou à des troubles anxieux. Il est toutefois courant que chacun ressente, à certains moments, des épisodes passagers de dépersonnalisation ou de déréalisation — cette impression familière « d’être à côté de ses pompes ». Ces expériences restent normales tant qu’elles sont brèves et occasionnelles. En revanche, lorsque la sensation devient persistante, envahissante ou source de souffrance, on parle alors d’un véritable trouble de dépersonnalisation/déréalisation, qui concernerait environ 1 à 2% de la population.